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Le Cinéma de Raoul Ruiz

Entretiens

EntretiensAuteur : Raoul Ruiz, Editions Hoebeke, Collection Arts & Esthetique, ISBN 2842300823, Nb. Pages : 96

Expérimentateur insatiable, Raoul Ruiz, avec une filmographie de plus de cent courts, moyens et longs métrages documentaires ou de fiction en moins de 40 ans s'affirme, au fil de ses nombreux écrits et entretiens, comme un théoricien. En 1995, Poétique du cinéma (Ed. Dis Voir) exposait les principales modalités d'une mise en scène cinématographique essentiellement anti-bazinienne et sa "théorie du conflit central", soulignant les oppositions entre linéaire et simultané, unicité et pluralité, continuité / discontinuité. Les quatre entretiens accordés entre 1983 et 1999 (des Trois couronnes du matelot au Temps retrouvé), regroupés pour ce nouveau recueil de la collection "Arts & esthétique", complètent et plongent le lecteur au cœoeur de la réflexion ruizienne, mais en lui offrant un guide : Pascal Bonitzer ou Serge Toubiana, Michel Ciment ou Gilles Tilberghien, et surtout Jacinto Lageira (connaissant intimement les cultures latines).

Malgré une forte tendance à la théorisation nourrie des influences les plus diverses (et de références, pour l'image en tout cas, bien digérées - Bazin, Deleuze, Schefer, Klossowski entre autres), Ruiz "n'apparaît pas comme un formaliste dont les schémas et les processus esthétiques, empruntés entre autres aux sciences physiques, à la linguistique, à la théorie des jeux, à l'éthologie, ou encore à la politique ou au roman-photo, seraient aveuglément applicables à toutes situations ou fictions cinématographiques (p. 12)".

Outre les inévitables digressions et ruptures de ton chères à la rhétorique ruizienne, le cinéaste trouve tout son intérêt lorsqu'il commente ses diverses expérimentations sur les paramètres cinématographiques : temps et espace faisant jouer la lumière (17, 50), le montage (25, 38, 43, 52), le cadre (43), le mouvement, la musique (45), la couleur et le noir-et-blanc (30). Ainsi, "chaque image devient un dispositif différent où l'on ne tient pas compte du problème de raccord". Le cinéaste, loin de la tradition chilienne, s'affirme pour la théorie simultanéiste et contre la théorie linéaire héritée d'Aristote, pour le simulacre, les exercices de style gratuits, les effets décoratifs devenus nécessaires puisqu'ils sont le sujet même du film, et contre Bazin. Une recherche incessante, la déstabilisation éclatés appelaient depuis longtemps déjà la rencontre avec Proust, comme il s'en explique à la fin de cet ouvrage, contemporain de la sortie du Temps retrouvé.

Térésa Faucon