Le Cinéma de Raoul Ruiz
La Ville des pirates
Sous titre : Rusticatio Civitatis Piratarum
Extrait :
Je garde le souvenir d'un tournage fantastique, une sorte d'aventure à la Stevenson, avec Paolo Branco et ses copains en pirates moustachus. Le film a été tourné à Baleal, une île portugaise - en fait une presqu'île, accessible seulement à marée basse : on marchait dans les cailloux avec les valises et le matériel... Paolo Branco jouait beaucoup aux cartes, à l'époque ; il avait un ami tricheur professionnel, recherché par la police, qui avait débarqué sur l'île pour se planquer. Raoul, juste après le tournage de La ville des pirates, a réalisé un autre film, Point de fuite, où il a fait jouer ce "gangster", le visage entouré de bandelettes pour qu'il ne puisse pas être reconnu.
Extrait :
À dix ans, on ne comprends pas tout. Le Chilien disait au petit : "Tu es Pinocchio, tu es Peter Pan, tu es Pinochet ?" Pour Melvil, c'était un jeu d'enfant : "Tu es un pirate".
L'enfant s'amusa. Il cracha dans un bol pour qu'on enduise de sa salive les mâchoires d'un crâne humain. Il aida à la confection d'un cadavre en putréfaction (il fallut trouver des vers de terre pour les mettre dans les orbites vides). Il fit tressauter une table autour de laquelle on invoquait l'esprit d'un enfant mort. La cervelle d'un suicidé ne voulait pas coller au plafond. Les assistants jetaient régulièrement de grandes bassines de sang sur les murs, éclaboussant l'enfant au passage. La voix du petit dans le vent me raconte aussi que pour faire de la fumée, on brûlait de la lavande au chalumeau, encens pour un sabbat diurne.
Le soir, après le tournage, l'histoire se prolongeait. On buvait.
Extrait :
Puisque La ville des pirates est un film si pictural, on dira que c'est une image sans légende, une illustration sans texte. Le sens du tableau reste toujours dérobé. Les plans les plus habituels se voient trahis par l'arbitraire de l'éclairage, par un mouvement délibéré et lent de la caméra, bref, par un "tout comme si" formel et calculé, qui ne dévoile jamais sa condition, ni le sujet qui le profère. Les situations les plus triviales sont vivement perturbées par un angle aberrant : le plus carricatural est celui d'un mal de dents, vu sous l'angle de la dent. Des objets ordinaires se trouvent ainsi mis en relief de façon scandaleuse, parce que la continuité de l'espace se rompt, tant est grande la différence d'échelle entre le fond et le premier plan. On l'a dit : cette rupture n'est pas exclusive d'une hésitation entre le cadre et le sujet. De plus la multitude des imitations, au sens rhétorique du terme, connote l'idéalité de l'image : le goût des couleurs éclatantes et froides, les visées sur les fenêtres, les fentes, les silhouettes devant l'infini ou le contraste de l'humain et du minéral font invinciblement songer à Friedrich, tandis que le jeu sur une perspective insistante et déformée renvoie à Dali, mais on peut aussi penser au chromatisme expressionniste ou tout simplement aux images de la réclame ; dès lors, la représentation supplante sa propre objectivité.
Cahiers du cinéma 352 1983
La Ville des pirates
Assayas Olivier
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Cahiers du cinéma 356 1984
Alice au pays de Peter Pan
Lardeau Yann
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Cinématographe 96 1984
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Cinématographe 92 1983
Venise
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Cinématographe 97 1984
Entretien
Pierre Guislain
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Cinématographe 97 1984
La Ville des pirates
Pierre Guislain
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DVD La Ville des pirates + Le Jeu de l'oie 2001
Bonus : Interview de Raoul Ruiz et de Melvil Poupaud par Frédéric Bonnaud, scène commentée par Frédéric Bonnaud.
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L'Humanité 1984
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Le Monde 1984
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Le Nouvel observateur 1984
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Libération 1984
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Libération 1983
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Positif 274 1983
La ville des pirates
Alain Masson
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Positif 275 1984
Biarritz
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Télérama 1780
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Télérama 1780