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Le Cinéma de Raoul Ruiz

Mystères de Lisbonne

Mystères de Lisbonne de Raoul RuizMisterios de Lisboa de Raoul RuizMystères de Lisbonne
long métrage et série TV fiction France, Portugal (2010) Date de sortie : 20 octobre 2010 (diffusion de la série TV sur Arte le 19 et 20 mai 2011 en six épisodes)
Autre titre : Misterios de Lisboa
Réalisé par : Raoul Ruiz
Avec : Adriano Luz, Ricardo Pereira, Maria João Bastos, Clotilde Hesme, João Luís Arrais, Afonso Pimentel, São José Correia, Albano Jerónimo, João Baptista, Vânia Rodrigues, Ana Sofia Campos, Carloto Cotta, Maria João Pinho, Joana de Veronna, Dinis Gomes, Rui Neto, António Fonseca, José Manuel Mendes

Participations spéciales : Léa Seydoux, Malik Zidi, Melvil Poupaud, Sofia Aparício, Margarida Vilanova, Catarina Wallenstein, Lena Friedrich
 
Autres prticipations : Julien Alluguette, José Airosa, Rui Morisson, Marco de Almeida, Raquel Dias, Filipe Vargas, André Gomes, Cleia Almeida, Dinarte Branco, Pedro Carmo, António Simão, Afonso Lagarto, Paulo Pinto, João Ricardo, Martinho da Silva, Ricardo Aibeo, Sofia Leite, Nuno Távora, Ana Chagas, Américo Silva, Duarte Guimarães, Marcello Urgueghe, Miguel Monteiro, Helena Coelho
Synopsis : Peines d’amour perdues dans la noblesse portugaise du XIXè siècle ou le destin épique de générations sacrifiées. Un homme meurt à Rio de Janeiro, laissant un manuscrit qui commence ainsi : « J’avais quatorze ans et je ne savais pas qui j’étais… ». Ce récit compte deux histoires qui s'entremêlent. Celle de Pedro Da Silva, orphelin élevé par un prêtre, qui s'avère être le fruit d’amours contrariées au sein d’une des plus grandes familles portugaises.Il retrouve sa mère peu de temps, avant que celle-ci ne s'enferme définitivement au couvent, et passera sa vie à reconstruire le fil de son identité. Il coisera au cours de sa quête : un assassin professionnel reconverti en homme d’affaire magnanime, une vendeuse de morue devenue sainte après avoir empoisonné son mari et prostitué sa fille, une comtesse solitaire avide de vengeance... Quant au dévoué père Dinis, à qui Pedro Da Silva doit la vie, on le retrouvera tantôt sous les traits d'un gitan, tantôt sous ceux d'un poète, reconstituant peu à peu son destin également tragique.
Autre Synopsis : Mystères de Lisbonne nous entraîne dans un tourbillon permanent d’aventures et de mésaventures, de coïncidences et de révélations, de sentiments et de passions violentes, de vengeances, d’amours contrariées et illégitimes dans un voyage mouvementé à travers le Portugal, la France, l’Italie et le Brésil. Dans cette Lisbonne d’intrigues et d’identités cachées, on croise une galerie de personnages qui influent sur le destin de Pedro da Silva, orphelin, interne d’un collège religieux. Le père Dinis, ancien aristocrate libertin devenu justicier; une comtesse rongée par la jalousie et assoiffée de vengeance; un pirate sanguinaire devenu homme d’affaires prospère. Tous traversent l’histoire du XIXe siècle et accompagnent la recherche d’identité de notre personnage.
 

Série TV : (voir l'article d'Axelle Roppert sur le site des Inrocks qui complète ce résumé : http://www.lesinrocks.com/2011/05/19/cinema/les-mysteres-de-lisbonne-sur-arte-lost-version-xixe-1115103/)

Episode 1 : L’Enfant Sans Nom
Interne d’un collège religieux, Pedro da Silva, jeune orphelin, va découvrir l’identité de sa mère, la comtesse Angela de Lima. Aidée par le père Dinis, véritable protecteur de Pedro, la comtesse fait ainsi la connaissance du fils duquel elle a dû se séparer, un fils bâtard né d’une passion défendue...

Episode 2 : Le Comte de Santa Barbara
Le jeune Pedro da Silva apprend l’histoire de la rencontre de sa mère avec le comte de Santa Barbara et comment elle a été forcée à devenir sa femme. Entretemps, la société de Lisbonne fait la connaissance d’Alberto de Magalhães, un noble fortuné qui défie les conventions, tout en créant des mystères. Mais Pedro da Silva connaît une grande souffrance quand sa mère décide de se retirer dans un couvent après la mort du comte de Santa Barbara.

Episode 3 : L’énigme du Père Dinis
Alberto de Magalhães révèle sa véritable identité au père Dinis, qui, à son tour, a deux autres identités, fruit d’un passé truffé de secrets. À Santarém, Frei Baltazar da Encarnação fait une autre révélation. Une révélation qui concerne sa jeunesse à Venise, et causera la surprise du père…

Episode 4 : Les Crimes d’Anacleta dos Remédios
Dans le couvent où la comtesse de Santa Barbara s’est retirée du monde, se trouve D. Antónia, sœur d’âme du père Dinis. D. Antónia lui raconte l’histoire de sa mère, Anacleta dos Remédios, une femme frappée par la tragédie après avoir trahi dom Teotonio, son mari. Plus tard, ayant amassé une fortune, elle deviendra Anacleta et sera trahie par un jeune amant. Des évènements qui marqueront D. Antónia et ses sœurs d’un destin funeste…

Episode 5 : Blanche de Montfort
Le passé français d’Alberto de Magalhães parvient à Lisbonne en la personne d’Élise de Montfort, une belle femme française rongée par son désir de vengeance. Entretemps, Alberto s’est marié, par coïncidence, avec l’ancienne amante du comte de Santa Barbara, Eugénia. Et comme tout tourne autour du père Dinis, on découvre que la mère d’Élise, Blanche de Montfort, a été sa passion de jeunesse, en France…
 
Scénario : Carlos Saboga
D'après : le roman homonyme de Camilo Castelo Branco
Montage :
Production : Paulo Branco, Clap Filmes, RTP – Rádio e Televisão de Portugal, Alfama films production, Arte France, ICA - Instituto do Cinema e do Audiovisual, Câmara Municipal de Lisboa, Media Programme
Directeur de production : Ana Pinhão Moura, João Matos & Sofia Carvalho
Directeur artistique : Isabel Branco
Image : André Szankowski (A.I.P)
Musique :
Son : Ricardo Leal
Effets spéciaux :
Caméras :
Assistants réalisateur : João Pinhão & José Maria Vaz da Silva
Décoration :
Scripte : Paulo Mil Homens
Costumes :
Maquillage : Nuno Esteves (Blue)
Casting :
Lieu de tournage :
Distribution :
Site : Site officiel
Prix, Festivals :
Le prix Louis-Delluc 2010 à "Mystères de Lisbonne" de Raoul Ruiz

Festival de San Sebastian
Coquillage d’Argent
Meilleur Réalisateur 2010

Festival International de Toronto
Selection Officielle
9 - 19 Septembre 2010

The New York Film Festival
24 Septembre - 10 Octobre 2010

Festival International du Film de São Paulo
Prix de la Critique
22 Octobre - 4 Novembre 2010

Viennale - Festival International du Film de Viena
Selection Officielle
21 Octobre - 3 Novembre 2010

London Film Festival
Selection Officielle
13 - 28 Octobre 2010

Torino Film Festival
Selection Officielle
26 Octobre - 4 Decembre 2010
 
La réussite la plus totale au festival de Toronto, c'est incontestablement le film de quatre heures trente Misterios de Lisboa ( Les Mystères de Lisbonne), de Raoul  Ruiz.
C'est une longue et passionnante histoire tirée d'un roman de Camilo Castello Branco qui se passe au XVIIIe siècle. Le récit résonne des soubresauts d'une aristocratie moribonde, de ses conflits d'intérêts, de ses vies tourmentées, pleines de haine et de vengeance. Epoque troublée où un louche personnage, trafiquant d'esclaves avec le Brésil, peut devenir très riche et aussi où un marquis devient mendiant dans la rue par un revers de fortune. Raoul Ruiz filme cette envoûtante saga avec un brio extraordinaire dans des décors de châteaux, de palaces portugais époustouflants de splendeurs, vestiges d'une aristocratie qui se meurt.

Presque cinq heures de projection qui passent comme un clin d'œil et quand le mot fin apparaît à l'écran il semble interrompre une grande œuvre d'art, une rêverie poétique infinie.

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Serge Kaganski
Les Mystères de Lisbonne
est une splendeur où les récits prolifèrent comme les rizhomes chers à Deleuze, s’emboitent les uns aux autres comme des poupées russes, mêlant tragédies et comédie, dans des décors magnifiques et magnifiquement filmés, portés par des acteurs superbes (la plupart portugais) et une mise en scène pleine d’invention, d’énergie, d’élégance, de facéties
http://www.filmosphere.com
Nicolas Gilli
On pouvait s’attendre à ce qu’un récit d’une telle amplitude souffre d’une mise en image molle et paresseuse. Que nenni, et là c’est la grande surprise. Les Mystères de Lisbonne est aussi ambitieux sur le plan narratif que visuel! En effet Raoul Ruiz enchaîne les prouesses stylistiques à grands coups de travellings majestueux. Il mixe les filtres pour coller au plus près du ton de ses farces dramatiques, ose des surimpressions surprenantes de modernisme et alterne avec bonheur cadres de théâtre et de cinéma. À plusieurs reprises il joue avec la position de ses personnages à l’intérieur du cadre, créant des conversations qui possèdent un charme tellement autre que celui du traditionnel champ-contrechamp. En bref on assiste à tout sauf à une démonstration d’académisme, mais à une débauche de technique parfaitement maîtrisée qui élève l’oeuvre vers des sommets auxquels on ne s’attendait même pas. Et s’il y a bien quelques acteurs qui en font un peu trop dans l’émotion et le surjeu, il faut avouer que dans l’ensemble la distribution fait des miracles et contribue à la qualité de l’ensemble, exceptionnelle.
Portrait de Raoul Ruiz : Au Luxembourg, les bébés ont l'air de retraités
telerama-3170-octobre-2010Télérama n°3170 du 16 au 22 octobre 2010Jacques Morice"Mystères de Lisbonne, c'est une sorte de testament. Je l'ai réalisé en pensant que c'était peut-être mon dernier film."  Raoul Ruiz

> le site de Télérama


 Mystères de Lisbonne Vertige de la passion
positif-596Positif (n°596) octobre 2010
par Guy Scarpetta
 
Décidément, Raoul Ruiz se situera toujours à contre-courant. Car il ne faut pas se leurrer : nous continuons abusivement à nommer « cinéma » un certain nombre de films qui, pour l’essentiel, n’ont plus guère de points communs avec l’art que ce mot désigne, depuis un siècle, dans ses œuvres majeures (avec la richesse et la diversité de son langage, son foisonnement d’inventions, sa création d’univers jamais vus avant lui) ; et qui seraient en réalité de simples téléfilms, produits par les chaînes de télévision, diffusés par elles et réalisés selon leurs normes (celles d’un code appauvri, stéréotypé). Or Ruiz, d’un coup, retourne la situation : il vient d’accepter la commande d’un feuilleton télévisuel, en six épisodes, pour une chaîne portugaise, reposant sur l’adaptation d’un roman populaire du XIXe siècle (Les Mystères D’un coup, et ce coup vous terrasse,
Mystères de Lisbonne ne déploie plus seulement un art du récit, mais propulse un sujet dont la simplicité dépouille le baroque de ses détours : la destinée des orphelins. Dans le film, les chagrins sont toujours moins justes qu’on ne le croyait (les victimes le sont surtout d’elles- mêmes), et en même temps toujours plus profonds qu’on ne s’y attendait. Quoi d’autre que l’art finalement – qui serait défi et consolation lancés aux chagrins jamais résolus de l’enfance.de Lisbonne de Camilo Castelo Branco), lui-même écrit selon les conventions de ces romans- feuilletons de l’époque (un peu l’équivalent, justement, de nos actuelles séries télé), et il s’arrange pour en faire l’un des plus éblouissants « films de cinéma » que l’on puisse voir aujourd’hui. En somme, là où beaucoup d’autres réalisateurs font de la télé en présentant cela comme du cinéma, lui fait exactement l’inverse.
> le site de Positif
 Entretien avec Raoul Ruiz, C’est ça la volonté de faire du cinéma
positif-596Positif (n°596) octobre 2010
par Adrien Gombeaud et Philippe Rouyer
Comment vous êtes-vous immergé dans la culture portugaise ?
"Je pratique le Portugal depuis trente ans. C’est toute une vie. Le Portugal, c’est comme le Chili... en mieux. Je ne sais pas si c’est la bonne formule, mais il y a une forme de mélancolie que nous partageons. On dit que les Chiliens sont dépressifs. Ils ont du mal à vivre leur dépression, tandis que les Portugais en rajoutent. La définition de la saudade, c’est « le souvenir de choses qui n’ont pas eu lieu », la « mélancolie des choses qui ne se sont pas passées ». Parlons un peu technique, le rythme du dialogue en portugais est différent du dialogue en français. Les mots flottent.
Il y a cet aspect, ce rythme de la langue portugaise dans Mystères de Lisbonne. Le portugais permet ce que j’aime beaucoup au cinéma : le silence. Moi, je parle sans cesse, mais j’ai remarqué qu’au Portugal les gens peuvent rester très longtemps silencieux. Dans le film, lorsque Da Silva sollicite un entretien avec la duchesse, il y a un silence de ce type. Ce n’est pas un très long silence. Mais une minute, c’est déjà beaucoup au cinéma. En France, on dit«unangepasse»;enEspagne,«un évêque est né » ; au Portugal, « un poète est mort ». Je suis content d’avoir pu placer un long silence dans un de mes films." Raoul Ruiz
 Mystères et ministères
cahiers-du-cinema-octobre-2010Cahiers du cinéma N°660 octobre 2010Cyril BéghinLe plus étonnant, dans Mystères de Lisbonne, est sans doute l’abandon de tout l’attirail des artifices, du merveilleux boiteux que Ruiz appelle lui-même volontiers son « mauvais goût ». Presque pas de distanciation parodique, ici : la curiosité et la fascination ne naissent pas du forçage des effets, des attractions à la Méliès, du bric-à-brac de cinéma que Daney, il y a long- temps, avait qualifié chez lui de « musée de la scénographie ». Les mystères sont moins criards, le magicien est plus discret et la scénographie a changé de dimension. Beauté classique des architectures et mise à distance de la rampe : les cadres, très larges, exploitent la géométrie répétitive des murs et des plafonds, des jardins et des cours, et laissent du vide entre corps et caméra. Les plans-séquences se composent avec précision, en très grande profondeur de champ ; de larges va-et-vient en travellings remplacent les champs-contrechamps en même temps qu’ils donnent l’impression toujours plus forte de balayer la surface de tableaux vivants.
> Le site des Cahiers du cinéma

Le romantisme extravagant, Entretien avec Raoul Ruiz
cahiers-du-cinema-octobre-2010Cahiers du cinéma N°660 octobre 2010Cyril BéghinComment    avez-vous    travaillé    à    l’adaptation ?
"Je voulais que le film soit en portugais, un vieux désir. Je suis    obsédé    par    l’idée    de    « montrer »    le    rythme    de    la    conversation portugaise. Pour des raisons purement cinématographiques : parce que le portugais donne un poids différent aux dialogues. Le français a une sorte de précision, c’est une langue péremptoire. L’impressionnisme a été inventé en France, mais il n’y a rien de moins impressionniste que la langue française. Alors que le manque d’objectif dans les structures de dialogue n’est pas gênant en portugais, parler de manière erratique fait partie de la vie, du caractère des gens. Parfois on se tait lon- guement. Il y a un silence magnifique dans Belle toujours d’Oliveira : les deux personnages se rencontrent pour parler franchement ; ils dînent, et il n’y a pas un mot. Je crois que j’ai réussi, au moins une fois, dans Mystères de Lisbonne, lorsqu’on dit à Alberto de Magalhães que la duchesse de Cliton le cherche. Cela le plonge dans un tel silence que la personne qui lui a apporté la nouvelle s’en va.
Bref... Cette fois c’est bien tombé parce que la production, au départ, était majoritairement portugaise. L’adaptation a été écrite par Carlos Saboga. Je l’ai lue, j’ai rajouté deux scènes, c’est tout. Il a fait un très beau travail. J’aurais eu tendance à développer, lui a coupé les larmes, ce qui a rendu le film plus émouvant." Raoul Ruiz
> Le site des Cahiers du cinéma

Mystères de Lisbonne de Raul Ruiz, un film éblouissant, merveilleusement romanesque toutelaculture.com Olivia LeboyerSublime, le film témoigne de la puissance et de l’impuissance des mots, le cercle de la parole faisant naître un espoir sans cesse déçu et, néanmoins, inaltérable.

Mystères de Lisbonne, le chef d'œuvre de Raúl Ruiz lesinrocks.com Axelle RopertD’un coup, et ce coup vous terrasse, Mystères de Lisbonne ne déploie plus seulement un art du récit, mais propulse un sujet dont la simplicité dépouille le baroque de ses détours : la destinée des orphelins. Dans le film, les chagrins sont toujours moins justes qu’on ne le croyait (les victimes le sont surtout d’elles- mêmes), et en même temps toujours plus profonds qu’on ne s’y attendait. Quoi d’autre que l’art finalement – qui serait défi et consolation lancés aux chagrins jamais résolus de l’enfance.

"Mystères de Lisbonne" : la machine à illusions temporelles de Raoul Ruiz http://www.lemonde.fr/ Jean-François RaugerTout ce qui définirait ce complexe, sinon insaisissable concept qu'est la mise en scène au cinéma est ici au service de la perception d'un outre-monde secret et parallèle. Ruiz privilégie, en effet, les plans longs, les lents et sensuels mouvements d'appareil à la fonctionnalité parfois introuvable, se mariant avec des cadrages au cordeau, alors que sur la bande-son se déploie une langue d'une musicalité et d'une précision admirables.
Entretien avec Carlos Saboga http://www.misteriosdelisboa.com/ Clap filmes
{vimeo}16167392{/vimeo}
Entretien avec Maria João Bastos http://www.misteriosdelisboa.com/ Clap filmes
{vimeo}15251365{/vimeo}
Entretien avec Ricardo Pereira http://www.misteriosdelisboa.com/ Clap filmes
{vimeo}15252623{/vimeo}
Le cinéaste Raul Ruiz fait du baroque en temps de crise http://www.mediapart.fr/ Ludovic LamantVous êtes arrivé en 1973 à Paris. Quel regard portez-vous sur la France d'aujourd'hui ?
L'attaque du gouvernement sur les Roms fait peur, à cause des résonances qu'elle charrie. C'est une bêtise dans laquelle les dirigeants entraînent tous les Français – même ceux qui sont contre, et radicalement contre cette politique, sont intégrés à cette image de la France.

Les périodes les plus noires de l'Histoire de l'Europe ont commencé comme cela. Par de petites remarques, avant que le conflit ne devienne plus aigu, jusqu'à l'extrême. C'est le fameux glissement vers l'extrême. Je suis en train de lire Wittgenstein contre Hitler, de l'universitaire australien Kimberley Cornish: il raconte ce dialogue de sourds entre les deux hommes, qui furent camarades de classe, et le niveau de délire de Hitler, dès sa jeunesse. Tout cela nous oblige à nous montrer constamment vigilants face à ce genre d'images. C'est à travers des images que se constitue la politique.

Je suis arrivé en France à un moment où la «politique du spectacle»  (La société du spectacle - 1967, N.D.L.R) de Guy Debord se discutait d'un point de vue théorique. Aujourd'hui, nous en sommes arrivés à l'étape où ce concept est en train de se réaliser, sans qu'on ne le discute plus, ou pas trop. Tout ce que l'on a débattu il y a trente ans, ne se discute plus. Quand je suis arrivé en France, à l'âge de 32 ans, les débats entre cinéma, philosophie et littérature, étaient beaucoup plus intenses.

Aujourd'hui, la philosophie du cinéma est un métier. Ce n'est plus une pratique spontanée. Je me souviens d'un soir où je mangeais dans un restaurant chinois, près de République. Je vois débarquer Pascal Bonitzer accompagné de Roland Barthes. Bonitzer venait de voir L'Hypothèse du tableau volé, et m'a fait une série de commentaires, avant de repartir. Aujourd'hui, les cafés ne sont plus des lieux de rencontre. Au Chili ou en Argentine, c'est l'inverse: ce sont partout, et parfois trop, des lieux de rencontres.

J’attendais en fait ce genre de proposition depuis des années Extrait de la Préface de Mystères de Lisbonne de Camilo Castelo Branco Traduit du portugais par Carlos Saboga et Eva Bacelar Raoul Ruiz
Quand Paulo Branco m’a proposé de réaliser les Mystères de Lisbonne, j’ai compris que j’attendais en fait ce genre de proposition depuis des années (depuis une éternité, diraient Vargas Vila et Nene Cascallar à l’unisson). Cette avalanche, cette cataracte d’avanies, de crimes et de désastres inattendus, ce fleuve d’amours douloureuses et d’espérances meurtries qui arrosait la vallée de larmes fertile que peuplaient les personnages de Camilo, je les connaissais depuis toujours.

Je me sentais la force de parcourir ce territoire, d’y naviguer avec la ferveur d’un volontaire sauvant les victimes d’une énième inondation en Inde. L’époque du drame moderne, où chaque personnage sait ce qu’il veut et pourquoi il le veut, n’est plus. Ce genre est devenu obsolète, hors d’usage, irréel. La logique des effets et des causes à tout prix propre au drame moderne a fait place aux turbulences paranoïaques du monde de la mondialisation. J. H. Lawson nous disait : une histoire commence là où quelqu’un désire quelque chose. Mais qui a le courage de vouloir quelque chose sans en appréhender les conséquences, nécessairement hasardeuses ?

Qui veut des guerres absurdes qui laissent le monde sans trêve ? Qui veut des désastres naturels que provoque le réchauffement de la planète (prévu par Camilo, au cas où vous ne le sauriez pas) ? Qui veut aimer ? Nous vivons, un point c’est tout, comme le dit la chanson de Los de Aragón : « Puisque nous sommes vivants, Il faut vivre. » Lorsque j’ai lu pour la première fois l’adaptation de Carlos Saboga, qui me parut excellente, je me suis laissé emporter par la narration et c’est tout. À la seconde lecture, mon attention s’est concentrée sur l’espèce de paix, de tranquillité qui enveloppait les douloureux événements que l’histoire suggérait et montrait. C’était comme parcourir un jardin.

Joris-Karl Huysmans évoque dans son roman La Cathédrale un jardin allégorique (mais réel) dans lequel chaque plante, chaque arbre, chaque fleur représente soit des valeurs morales, soit des péchés. C’est ainsi que j’ai imaginé le film qu’il voulait faire. Comme Le Jardin de fleurs curieuses d’Antonio de Torquemada, comme le jardin d’Éden que décrivit saint Brendan quand il revint de l’au-delà, comme le jardin de L’Enfer de Dante dans lequel chaque fleur, chaque plante est un suicidé châtié.

Linné, le père de la botanique, croyait que Dieu punissait chaque mauvaise action de châtiments dadaïstes : quelqu’un donne un coup de pied à un chat, et dix ans après il voit sa chère et tendre épouse tomber d’un balcon et mourir sous ses yeux (voir la « Némésis divine »). Pendant que je tournais Mystères de Lisbonne, j’ai souvent pensé à Linné : un jardin est un champ de bataille. Toute fleur est monstrueuse. Au ralenti, tout jardin est shakespearien. Si quelqu’un me demandait de résumer ma position par rapport au film Mystères de Lisbonne, je dirais qu’elle fut celle d’un jardinier.

« Un jardinier d’amour Arrose une rose puis s’en va. Un autre la cueille et en profite. Auquel des deux appartient-elle ? » 1

1: Jardinier d’amour, Compay Segundo.
Autres références

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vertigo-ete-2011-Mysteres-de-LisbonneVertigo N°40 : Idioties + Mystères de Lisbonne

Auteur : Revue Vertigo
Éditeur : Nouvelles éditions lignes
Fécamp, 2011
Langue : français
128 pages
Broché - ISBN 13 : 978-2-35526-076-6 - Prix : 17,00 EUR

 

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Titre : Ruiz ressert une bonne louche de Mystères
Auteur : Isabelle Hanne
Editeur : Libération le 19 mai 2011
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Titre : Le Geste de Lisbonne
Auteur : Jean-Luc Douin
Editeur : Le Monde 22 mai 2011
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Titre : Destins funestes au sein de l'aristocratie lisboète
Auteur : Macha Séry
Editeur : Le Monde 22 mai 2011
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Titre : Lost à Lisbonne
Auteur : Axelle Ropert
Editeur : Les Inrocks n°807 Paru le 18 Mai 2011
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Titre : De l'audace : Entretien avec Paolo Branco
Auteur : Nicolas Azalbert et Stéphane Delorme
Editeur :  Cahiers du cinéma Mai 2011
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Titre : Compères et Commères
Auteur : Cyril Béghin
Editeur :  Cahiers du cinéma Mai 2011
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Titre : dans le cadre de l'emission 5/7 Boulevard jeudi 5 mai 2011
Auteur : Philippe Collin et Xavier Mauduit
Editeur : France Inter
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Titre : Un feuilleton à succès
Auteur : Sophia Collet
Editeur :  Cahiers du cinéma Janvier 2011
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Grand entretien avec Raul Ruiz
Titre : dans le cadre de l'emission La Grande Table mercredi 20 octobre 2010
Auteur : Antoine Guillot
Editeur : France Culture
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Entretien avec Raoul Ruiz
Titre : dans le cadre de l'emission Cosmopolitaine dimanche 17 octobre 2010
Auteur : Hanan El-Cheikh
Editeur : France Inter
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Entretien avec Raul Ruiz
Titre : dans le cadre de l'emission Projection privée samedi 27 novembre 2010
Auteur : Michel Ciment
Editeur : France Culture
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Les âmes vives
Télérama n°3170 du 16 au 22 octobre 2010
Samuel Douhaire

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Raúl Ruiz dans la fleur du tage
Libération Next 20 octobre 2010
Eric Loret

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Raúl Ruiz : « Les Mystères de Lisbonne sont une novela à la brésilienne »
RFI vendredi 29 octobre 2010
Elisabeth Lequeret

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Le cercle
Canal +

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Les_mysteres_de_Lisbonne_livre« Ce roman n’est pas un roman : c’est un journal de souffrances, véridique, authentique et justifié. »

Un homme meurt à Rio, laissant dans sa chambre un manuscrit qui commence ainsi : « J’étais un garçon de quatorze ans et je ne savais pas qui j’étais. »
Et nous voilà aussitôt plongés dans la Lisbonne du XIXe siècle. João est orphelin. Interne dans un collège religieux, il est élevé par l’énigmatique Père Dinis, qui lui dévoile un jour le douloureux secret de sa naissance.
Dès lors, entraîné dans une quête où ce qu’on tient pour acquis se révèle incertain, où les personnages endossent des identités multiples au gré des lieux et des époques, le jeune homme n’aura de cesse de démêler l’écheveau de son histoire…

Préface de Raoul Ruiz
Parution : 31/03/2011
Pages : 608
Format : 160x240
ISBN : 9782749914046
Prix : 22.95€

Editions Michel Lafon