Le Cinéma de Raoul Ruiz
La Chouette aveugle
Extrait :
La Chouette aveugle constitue une suite d'éléments formels trés divers qui se superposent les uns aux autres sans s'annuler - véritable pyramide inversée - pour aboutir à une apothéose esthétique : c'est à la fois un gigantesque canular et une oeuvre existentielle cosmique sur la condition humaine. (...) Jamais fin de film ne fournit une telle succession, une telle simultaneité d'éléments contradictoires pessimisme et jouissance extrême mélangés - ni une acmé aussi envoûtante et extravagante, qui contribue probablement à faire de La Chouette aveugle le plus beau joyau du cinéma français des dix dernières années.
Extrait :
Il y a une scène de ce film où l'on juge de ce que peut l'étranger à une culture lorsqu'il est mû par sa reconnaissance. De ce fait, l'étranger se sent chez lui où qu'il se trouve, quelle que soit la culture qu'il adopte. Tel est le privilège de l'homme de l'expatriation, tout autant chez lui avec Proust ou Giono, qu'en Chine ou en Islam. Il faut être atteint par la souveraineté de l'exil pour oser une telle scène [Un personnage traverse un bazar, il porte sur son dos un coffre qui contient un cadavre, lorsque l'appel à la prière retentit... N.D.L.R]- c'est à dire être loin de toute forme de culpabilité. Or qui est loin de la culpabilité ?
Celui qui n'est pas dans le déni de l'autre et qui partage son savoir n'est pas dans le complexe qu'engendre l'ignorance et le mépris. N'étant pas dans la méconnaissance de l'Islam comme on peut l'être dans bien des milieux intellectuels et artistiques, Ruiz ose quelques impertinences à son égard, et mêmes les plus adéquates des irrévérences.
En émulation avec Luis Bunuel et ses férocités contre le catholicisme, Ruiz élargit la sphère de l'humour surréaliste ravageur en y intégrant l'Islam. C'est très utile en ces temps de pudibonderie et de tartufferie et de mise à distance des tabous au nom du respect des différences.
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