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Le Cinéma de Raoul Ruiz

Poétique du cinéma 1

poetiqueducinemaEdité par : Dis-Voir, ISBN 2906571377, Nb. Pages : 128 (1995)

Extrait de la postface
Cet ouvrage tourne autour d'une conviction : dans le cinéma, au moins dans le cinéma narratif (et tout le cinéma l'est d'une certaine manière), c'est le type d'image qu'on produit qui détermine la narration et non pas le contraire. Il n'échappera à personne que cette affirmation implique que le système de production, d'invention, de réalisation des films doit être modifié radicalement. Mais elle veut dire aussi qu'un nouveau type de cinéma et qu'une nouvelle poétique du cinéma sont encore possibles.

Une dernière remarque : la plupart de mes références, je les ai trouvées dans ma bibliothèque personnelle, ce qui m'a permis de les vérifier. Mais je lis de travers, je voyage d'un livre à l'autre et ceci n'est pas sans risque. Il est fort possible qu'ici et là, certaines interprétations ou comparaisons soit abusives ou tout simplement gratuites. Mais ce livre est un voyage et les voyageurs doivent accepter qu'emprunter des sentiers qui ne mènent nulle part fait aussi partie du voyage.

Extrait p.80
Il arrive que dans mes projets je cherche à passer d'un monde à l'autre, utilisant une technique décrite dans la Venise baroque comme "Il Ponte", une manière de produire des agents anamorphiques qui jouent avec les quatre niveaux de la réthorique médiévale : littérale, allégorique, éthique, et anagogique. Mais aussi d'autres dispositifs réthoriques comme les sept voies d'Aboulafia, ou simplement les mots croisés. A ceci près que, plutôt que de chercher à lire les quatre niveaux à la fois, le but est de passer constamment d'un niveau à l'autre. Le passage est l'élément de surprise qui provoque non seulement une certaine illumination, mais aussi le plaisir. Imaginez un slalomeur propulsé à chaque virage, non pas seulement dans une autre direction mais dans une piste complètement différente. Il fait en sorte d'emprunter quatre trajets différents, bien que l'intérêt réside moins dans les trajets eux-mêmes, que dans la beauté de son saut d'un monde à l'autre.